Entretien exclusif.
Florent Bénard est l’auteur de plusieurs livres pour la jeunesse, notamment Pi Wou et sa maman et Amba, le roi de la Taïga. Il est également l’auteur du livre Mon frère est un extraterrestre dans lequel il partage son expérience de vie commune avec son frère aîné Samuel qui est autiste. Florent travaille aujourd’hui pour la Fondation OCH. Il nous révèle dans cet entretien ce qui l’a poussé à écrire des livres pour enfants et combien les livres peuvent être une vraie richesse pour aborder le sujet du handicap.
Qu’est ce qui t’a poussé à écrire des livres pour enfants?
J’ai été animateur en centre de loisirs avec des enfants âgés de 3 à 6 ans. Au quotidien il y avait beaucoup de temps de jeu et aussi des temps de lecture. J’ai pris beaucoup de plaisir à partager des livres avec des enfants, à redécouvrir des livres qui m’avaient marqués quand j'étais petit. J’ai été frappé par la manière dont ces temps de lecture sont des temps de qualité avec les enfants, à la fois en terme de concentration et d’échange, mais aussi en terme d’éveil, sur tel ou tel sujet, sur telle réalité. C’est cette expérience qui m’a donné envie de m’essayer à mon tour à l’écriture.
Pourquoi est-ce important de parler aux enfants du handicap ?
Le handicap est un sujet qui n’est pas évident pour nous tous dans la société et pour les enfants en particulier. Beaucoup d’enfants n’ont pas la chance de côtoyer dans leur quotidien des personnes avec un handicap ou de vivre avec elles. C’est le meilleur moyen d’en avoir peur ou de se faire des fausses idées. Le fait d’avoir des histoires qui parlent de ces sujets permet d'appréhender le handicap et amène les enfants à poser des questions. Pour les enfants qui eux connaissent le handicap, c’est l’occasion d’aborder ce qu’ils peuvent vivre. Cela peut leur permettre de parler de ce sujet délicat, car ce n’est pas un sujet que l’on aborde facilement s’il n’y a pas un support qui favorise l’échange.
Comment abordes-tu le sujet du handicap dans tes livres?
Dans le premier livre que j’ai écrit Pi Wou et sa maman, je voulais parler de ce que j’avais vécu en tant qu’enfant d’une personne avec un handicap, puisque ma mère est sourde. Ce qui me paraissait important c’était de ne pas cacher tous les sentiments ambivalents que l’on peut ressentir autour du handicap. Je ne voulais pas idéaliser la question, ou faire l’éloge du handicap. Je voulais aborder tout ce que cela peut provoquer de difficile, parfois de contradictoire chez les enfants concernés. On peut être gêné, blessé, mal à l’aise avec le handicap au quotidien, on peut en avoir marre. Ces émotions font partie de la vie, il faut apprendre à les accueillir, à les dépasser, mais d’abord il faut savoir les nommer. Cette part d’ombre est importante à aborder. L'histoire démontre que malgré tout cela, il y a un lien possible, et un amour qui dépasse tout.
Quel est le pouvoir des livres pour aborder ces sujets?
L’écriture permet de bien peser les mots, choisir ceux qui paraissent les plus justes. Un livre ce sont aussi des images, beaucoup de choses passent pas les dessins. Le texte et les illustrations sont complémentaires. C’est un support qui émerveille et captive les enfants. A travers les livres, ils peuvent se plonger pleinement dans ce que vivent les personnages, ressentir les émotions qui les traversent. Une fois qu’on a réussi à plonger avec les enfants dans une histoire, qu’ils ont été touchés et qu’ils se sont laissés emporter, on peut parler de ce qu’ils ont ressenti et compris durant la lecture.
Quelles sont les réactions des enfants à la lecture de tes livres?
J’ai eu l’occasion de faire de nombreuses interventions dans les écoles, parfois accompagné d’une personne elle-même handicapée. Les enfants parlent du handicap de manière très spontanée, très directe, sans avoir peur de blesser, sans mauvaise intention, sans mettre les codes que nous nous imposons en tant qu’adultes. C’est rafraîchissant, ce sont des échanges bénéfiques, qui permettent aux personnes concernées par le handicap de redire les choses simplement. Ces rencontres peuvent faire beaucoup de bien à tout le monde !
Quels conseils donnerais-tu aux parents Verty?
Si les parents sont eux-même concernés par le handicap et la maladie, le livre peut être un bon outil pour délier la parole. Pour ceux qui ne sont pas concernés c’est un bon outil pour sensibiliser leur enfant à l’accueil de la différence. Le handicap n’est pas quelque chose qui va de soi. Plus les familles auront l’occasion d’en parler et de montrer que la vie d’un enfant avec un handicap n’est pas nécessairement une vie malheureuse, mieux l’enfant comprendra que dans le fond c’est la vie d’une personne qui comme les autres a des rêves, des passions, des talents. Les livres au travers des histoires permettent de remettre l’humain au cœur de la question du handicap.
Propos recueillis par Claire BLF, le 26 novembre 2024
Pour en savoir plus sur la Fondation OCH, Office chrétien des personnes handicapées, rendez-vous sur https://www.och.fr/