Les images défilent sur les écrans, les conversations s’enflamment, les nouvelles circulent partout. Dans ce flux d’informations souvent violentes, nos enfants entendent, voient, ressentent, sans toujours comprendre.
Et le risque, c’est qu’ils entendent parler de la guerre avant nous, et sans nous.
Comment, alors, trouver les mots justes pour expliquer toute cette violence aux plus jeunes ? Comment transformer ce sujet difficile en une occasion d’écoute, de solidarité et d’empathie ?
1. Ecouter avant d’expliquer
Chaque enfant réagit à sa manière. Certains posent des questions précises (« Pourquoi ils se battent ? »), d’autres restent silencieux, mais observent, inquiets.
Le premier réflexe : écouter avant de répondre. Cela permet de mesurer ce qu’il a compris, imaginé ou mal interprété.
🟢 Tip concret : Demandez-lui ce qu’il a vu ou entendu. Reformulez avec des mots simples :
"Oui, il se passe quelque chose de grave dans un autre pays. Des gens se font du mal, et cela rend beaucoup de personnes tristes."
Chez les tout-petits, inutile de trop détailler : ils pensent souvent en termes de gentils et de méchants. L’objectif est surtout de rassurer et relier : lui dire que, même si le monde peut être violent, il y a toujours des gens qui cherchent la paix.
2. Les livres, des alliés pour dire l’indicible
Les livres ne montrent pas d’images brutales. Ils offrent le recul nécessaire pour parler des émotions sans être submergé. Ils permettent de nommer la peur, d’explorer la compassion, et surtout d’ouvrir à l’espérance : celle d’un monde où l’amitié et la bonté peuvent encore triompher.
Entre 3 et 5 ans : protéger sans mentir
Les jeunes enfants n’ont pas encore les outils pour comprendre les enjeux géopolitiques.
On peut leur dire simplement :
"Il y a des gens qui ne sont pas d’accord et qui se font du mal. Nous, on peut prier/panser/aimer pour que ça s’arrête."
🟢 Tip concret : Évitez les journaux télévisés ou les images dures à la radio, souvent anxiogènes. Préférez les livres qui parlent de paix et d’amitié : ils sont une porte douce pour aborder l’idée du conflit.
💡 Exemple :
Flon-Flon et Musette d’Elzbieta. Une parabole tendre et poétique sur deux amis séparés par une guerre. Sans rien édulcorer, elle garde la beauté du lien et la confiance en un retour possible de la paix.
De 6 à 10 ans : comprendre sans s’angoisser
À cet âge, les enfants veulent comprendre. Montrer une carte, raconter l’Histoire, leur expliquer que la guerre a souvent des causes complexes peut les aider à rationaliser leurs peurs.
🟢 Tip concret :
- Utilisez des mots précis mais simples : désaccords, frontières, pouvoir, liberté
- Montrez aussi les élans de solidarité : les dons, les réfugiés accueillis, les missions humanitaires.
- Proposez un rituel : un moment pour penser à ceux qui souffrent, ou pour lire une histoire de paix avant de dormir.
L’idée est de leur faire sentir que, même dans la guerre, des gens agissent pour le bien.
💡 Exemple :
Lulu et la Grande Guerre de Fabian Grégoire. Un album aux magnifiques illustrations présente la Première Guerre mondiale à travers les yeux d’une petite fille dont le frère aîné a été mobilisé.
Infirmière pendant la Première Guerre mondiale de Sophie Humann. Un roman touchant, qui permet de découvrir la Première Guerre mondiale sous un angle différent et, peut-être, de donner envie de s’engager au service des plus démunis.
À partir de 11 ans : dialoguer et donner du sens
Les adolescents sont souvent submergés par l’actualité. Ils voient, lisent, partagent sur les réseaux.
Plutôt que de censurer, discutons : comment ils s’informent, ce qu’ils ressentent, ce qu’ils croient.
🟢 Tip concret :
- Encouragez-les à vérifier les sources, à distinguer faits et opinions.
- Proposez-leur des lectures qui ouvrent à la nuance et développent leur esprit critique.
- Lire ensemble un roman historique ou un témoignage permet d’apprendre à analyser sans se laisser happer par la peur.
💡 Exemples :
Cheval de guerre de Michael Morpurgo. L'auteur parvient à transformer la brutalité de la guerre en une ode à la tendresse et à l’espoir, rappelant que, même au cœur du chaos, la compassion demeure la plus belle des résistances.
La fée de Verdun de Philippe Nessmann. Le lecteur plonge à la fois dans le quotidien bouleversant des infirmières, véritables héroïnes de l’ombre, et dans l’univers vibrant de la musique.
En conclusion : la lecture comme rempart intérieur
Parler de la guerre, c’est aussi parler d’humanité.
Et si les mots manquent parfois, les livres, eux, savent trouver le ton juste.
Ils ne suppriment pas la peur, mais ils lui donnent du sens. Ils apprennent aux enfants à voir le monde sans se résigner, à cultiver la paix en eux pour mieux la semer autour d’eux.