Par Stéphanie
Quand les questions de vie et de mort surgissent
L’automne est là, doucement la nature tout entière semble se mettre en sommeil avant le grand silence de l’hiver: les feuilles rougissent et la lumière décline jour après jour. Toute la nature nous invite à cette réflexion fondamentale sur le cycle de la vie. Et parfois, la question surgit : « C’est quoi, la mort ? »
Comment répondre sans effrayer, ni esquiver ? Comment accompagner les enfants dans cette découverte universelle de la vie et de son cycle ?
Des rituels qui donnent du sens
Pourquoi en parler maintenant ? Pour deux raisons principales, à la fois un contexte culturel propice et une saisonnalité qui parle aux enfants.
- En France, la Toussaint est le 1ᵉʳ novembre, et le 2 novembre est dédié à la commémoration des défunts. Dans les familles, les visites au cimetière se font souvent le 1ᵉʳ novembre (jour férié). Pour un enfant, ce geste peut sembler mystérieux, parfois même inquiétant. Expliquer la nuance, donner du sens aux rituels et relier la mort au cycle des saisons (comme la chute des feuilles) permet de rendre les choses plus compréhensibles.
- L’automne devient alors une porte d’entrée pour aborder ces grandes étapes de la vie : ce qui vit, vieillit et meurt, et au-delà, l’amour qui perdure.
La lecture comme main tendue
Accompagner son enfant dans la découverte de la mort, c’est d'abord s’interroger soi-même. Le livre Euh… Comment parler de la mort aux enfants de Delphine Horvilleur propose des repères précieux pour les adultes. Sans donner de recettes toutes faites, il invite à répondre avec sincérité et humanité aux “pourquoi”.
Mais parfois, trouver les bons mots reste difficile. Les livres jeunesse peuvent alors nous aider car ils offrent aux enfants des récits sincères, des images tendres et des personnages auxquels on peut s’identifier. Grâce aux histoires, l’enfant comprend qu’il n’est pas seul face à ses questions. Les livres deviennent des compagnons pour apprivoiser la peur, mettre des mots sur l’absence et garder vivante la mémoire de ceux que l'on aime.
Avant 4 ans : apprivoiser l’absence par des images douces
À cet âge, l’enfant ne comprend pas encore la mort dans toutes ses dimensions. Les récits doivent rester simples, rassurants, et montrer que l’amour continue malgré la séparation.
Au revoir Blaireau de Susan Varley : l’animal sage quitte ses amis, mais ceux-ci découvrent que son souvenir les accompagne et les aide à grandir. Une manière tendre de dire aux tout-petits que ceux qu’on aime restent dans nos cœurs.
Je t’aimais déjà d’Andrée-Anne Cyr : l’histoire souligne que l’amour existe avant, pendant et après la vie.
Prune et Séraphin ont peur de la mort de Karine-Marie Amiot : des mots accessibles, pour transformer une inquiétude confuse en une discussion rassurante.
De 4 à 6 ans : découvrir la fragilité de la vie
À l’âge des contes, les enfants pressentent la fragilité de la vie. Les histoires leur permettent de poser des repères, d’imaginer la mort sans peur, à travers des récits symboliques.
La Petite Fille aux allumettes de Hans Christian Andersen : une fable intemporelle qui montre la brièveté de l’existence avec poésie.
Mon grand-père devenu ours d’Alex Cousseau : une métaphore pour dire que les souvenirs et le lien demeurent.
Odette, un printemps à Paris de Kay Fender : une histoire mêlant amitié et souvenir, pour montrer que les liens demeurent autrement.
De 6 à 8 ans : apprivoiser la mort par la poésie, les mythes ou des récits plus réalistes
À cet âge, les enfants aiment les histoires qui mêlent humour, poésie et grands récits.
Chanson des escargots qui vont à l’enterrement de Jacques Prévert : l’humour désamorce la gravité et montre que la vie continue.
Orphée et la force du chant de Laurent Bègue : inspiré de la mythologie, ce récit rappelle combien l’art permet de dépasser la perte.
Mais ils commencent aussi à pouvoir accueillir des récits plus réalistes et profonds, qui parlent du deuil et des émotions complexes qu’il suscite.
La croûte de Charlotte Moundlic : un petit garçon vient de perdre sa maman. Sa douleur intérieure est symbolisée par une croûte qui refuse de cicatriser. Le récit suit le chemin du deuil : du déni à la colère, de la tristesse à l’acceptation, jusqu’à ce que la vie reprenne doucement ses droits. Un album d’une grande justesse pour comprendre et traverser la perte d’un parent.
Petit lapin Hoplà d’Elzbieta : un petit lapin meurt, et tous ses amis, chacun à sa manière, vont lui dire au revoir. Comme un chant d’adieu, cette ritournelle empreinte de tendresse montre que la mort fait partie de la vie, et que l’on peut accompagner un départ avec douceur et attention. Un récit d’une grande délicatesse, aux illustrations pastel.
De 10 à 14 ans : donner des repères à l’adolescence
À l’entrée de l’adolescence, les enfants commencent à réfléchir à la mort avec plus de profondeur. Ils ont besoin de récits initiatiques pour nommer leurs émotions et structurer leur pensée.
Ex-voto, Vol.1. Le rivage des souvenirs de Candice de Gastines : une aventure où mémoire et espérance s’entrelacent, montrant que la perte peut devenir un chemin intérieur.
La mort du prince Éric de Serge Dalens : ce livre est la brûlante conclusion de l’histoire du Prince Éric. Il ne s’agit plus d’un roman d’aventures, mais d’un récit ancré dans la terrible période de la guerre 39-45. Dalens y aborde avec une force rare la loyauté, le courage et le sacrifice.
Après 14 ans : explorer la fragilité et la beauté de l’existence
Les adolescents sont prêts à rencontrer des récits plus complexes, poétiques ou réels, qui évoquent la mort comme partie intégrante de la vie.
Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire : une poésie où beauté et douleur se mêlent.
Le scaphandre et le papillon de Jean-Dominique Bauby : témoignage bouleversant sur la dignité et la force intérieure face à l’extrême fragilité.
Deux petits pas sur le sable mouillé d’Anne-Dauphine Julliand : une histoire vraie qui dit la puissance de l’amour et de l’espérance malgré la maladie et la perte.
Conclusion : l’amour demeure
Parler de la mort aux enfants, c’est avant tout leur donner confiance : la confiance que leurs émotions sont légitimes, que leurs questions ont de la valeur, et que l’amour reste plus fort que l’absence.
Certains récits permettent d’aborder la mort de façon très concrète, en mettant en scène le deuil et les émotions qu’il suscite. D’autres, plus symboliques ou poétiques, offrent des images qui aident à apprivoiser l’absence. Ensemble, ces lectures forment un chemin : elles rassurent, élèvent et accompagnent, tout en rappelant que la vie continue et que les liens d’amour demeurent, autrement.
Au-delà des livres, l'exemple des adultes a un poids immense dans le cœur des enfants. Au travers de gestes simples mais profondément marquants - des fleurs déposées sur une tombe, un objet transmis, un souvenir raconté ou un album photos feuilleté ensemble - qui enracinent les plus jeunes dans une histoire familiale vivante et leur donne le sentiment d’appartenance à une lignée. Les enfants découvrent alors que la douleur de l’absence peut être surmontée et que l’amour continue son chemin de génération en génération.